Se rendre au contenu

Article "Létalité réduite mais tout aussi contrôlée : bilan du Règlement 2025/928" - The Journal of Export Controls and Sanctions (DOW JONES)

Létalité réduite mais tout aussi contrôlée : bilan du Règlement 2025/928

Introduction

Le 20 août 2025, le Règlement délégué (UE) 2025/928 de la Commission est entré en vigueur, introduisant des contrôles à l’exportation supplémentaires sur une gamme d’armes et d’équipements à létalité réduite. Ces modifications élargissent le champ d’application du Règlement (UE) 2019/125, qui régit le commerce de certains biens pouvant être utilisés pour la peine capitale, la torture ou d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Qu'est-ce qu'une arme "à létalité réduite" ?

Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme les définit dans ses Lignes directrices portant sur l'utilisation des armes à létalité réduite dans le cadre de l'application des lois comme :

« des armes conçues pour être utilisées contre des individus ou des groupes d’individus, ou destinées à un tel usage, et qui, quand elles sont utilisées comme escompté ou comme on peut raisonnablement le prévoir, présentent un risque plus faible que les armes à feu d’entraîner la mort ou de graves blessures. Les munitions à létalité réduite peuvent être tirées au moyen d’armes à feu classiques


Exemples : bâtons, irritants chimiques (par ex. gaz lacrymogène), armes électriques (par ex. tasers), projectiles à impact cinétique (par ex. balles en caoutchouc), sans s’y limiter.

Pourquoi les armes "à létalité réduite" sont-elles contrôlées ?

Les armes à létalité réduite jouent un rôle clé dans l’application de la loi, permettant d’utiliser une certaine force là où l’usage d’armes à feu serait illégal, ou comme alternative moins dangereuse aux armes à feu, afin de réduire le risque de blessure pour le public, y compris pour les suspects.

Cependant, elles ne sont pas sans risque. En cas de mauvaise utilisation, d’entretien inadéquat ou d’emploi sans formation appropriée, ces armes et équipements associés peuvent provoquer des blessures graves ou la mort. Elles ont également été impliquées dans des exécutions extrajudiciaires et d’autres violations graves du droit international, y compris des actes de torture ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Comment leur commerce est-il réglementé ?

Le régime de contrôle à l’exportation des armes à létalité réduite est complexe, car il n’existe pas de cadre juridique unique et spécifique. Elles peuvent relever de différents régimes de contrôle selon leurs caractéristiques :

  • Si elles répondent à la définition d’« arme à feu » (toute arme portative à canon qui expulse, est conçue pour expulser ou peut être convertie pour expulser un projectile par l’action d’un propulsif combustible), elles seront soumises à la Directive (UE) 2021/555 et au Règlement (UE) 2025/41 sur les armes à feu ;
  • Elles peuvent relever du Règlement (UE) 2019/125 (certains biens pouvant être utilisés pour la peine capitale, la torture ou d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants) si elles figurent aux annexes II, III ou IV ;
  • Si elles sont spécialement conçues à des fins militaires, elles peuvent relever de la Directive (UE) 2009/43 sur les produits liés à la défense ;
  • Si elles relèvent de la catégorie des agents antiémeute, elles peuvent être soumises au Règlement (UE) 2021/821 sur les biens à double usage.

Qu’apporte le Règlement délégué (UE) 2025/928 ?

Les Annexes II (liste des biens dont l’exportation est interdite) et III (liste des biens dont l’exportation nécessite une autorisation préalable) du Règlement (UE) 2019/125 ont été mises à jour.

Parmi les articles ajoutés à l’Annexe II, on trouve les bâtons lestés ainsi que le matériel et les projectiles explosifs destinés à diffuser des quantités nocives d’agents de maintien de l’ordre depuis des plateformes aériennes.

Parmi les articles ajoutés à l’Annexe III, on trouve :

  • lanceurs de projectiles cinétiques à tir unique et projectiles associés,
  • lanceurs et dispositifs de diffusion,
  • munitions contenant plusieurs projectiles cinétiques,
  • projectiles de gros calibre contenant des agents antiémeutes,
  • mélanges chimiques malodorants.

Un autre changement clé est la reclassification des équipements fixes de diffusion de substances chimiques incapacitantes ou irritantes activés par télécommande, qui passent de l’Annexe III (soumis à autorisation) à l’Annexe II (exportation interdite).

Conclusion

Malgré leur nom, les armes à létalité réduite sont soumises à des contrôles à l’exportation aussi stricts que ceux des armes létales. L’élargissement récent du Règlement (UE) 2019/125 souligne l’importance, pour les exportateurs, fabricants et intermédiaires, de procéder à des vérifications minutieuses de classification et de conformité. Chaque transaction doit être examinée au regard de l’ensemble des cadres réglementaires potentiellement applicables, y compris les listes de contrôle mises à jour, afin d’éviter toute violation involontaire et de maintenir des pratiques commerciales légales.


Crédit : Charlotte Villatte, Co-fondatrice & Manager chez DefenseWise SRL - Publication : WorldECR Journal of Export Control and Sanctions (DOW JONES) - Issue 142

© 2025 - Tous droits réservés. Cet article ne peut être partagé, reproduit, divulgué ou diffusé, en tout ou en partie, à tout autre tiers sans l’accord écrit préalable du titulaire des droits d’auteur.

Article "Prendre les devants : l’impact du Règlement (UE) 2025/41 sur le secteur des armes à feu" - The Journal of Export Controls and Sanctions (DOW JONES)