18.06.2025 - Déclaration de DefenseWise sur le "Defence Readiness Omnibus"
« De grandes promesses mais des petits pas – ce paquet est loin d’être le tournant attendu… »
Hier, la Commission européenne a adopté le très attendu "Package Omnibus Défense". Si les besoins de la Base Industrielle et Technologique de Défense Européenne (BITDE) et des États membres ont été correctement identifiés et qu’une feuille de route claire avait été tracée dans le Livre blanc pour la préparation de la défense européenne à l’horizon 2030, les propositions actuelles manquent la substance nécessaire pour répondre aux défis urgents et ne permettent pas de réels progrès en matière de simplification et d’harmonisation.
Malgré un discours d'urgence, l’approche de la Commission reste excessivement prudente. L’usage d’un langage non contraignant (« peut » au lieu de « doit »), le recours à des actes délégués susceptibles d’être adoptés sous un délai de cinq ans alors même que leur contenu est attendu de longue date (e.g.: définition de composant "sensible", règle de minimis, harmonisation du contenu des licences générales), ainsi que la relégation de concepts clés (e.g.: mesures de simplification applicables aux technologies à double usage, Cloud classifié européen, adaptation des règles en matière de concurrence, licence générale pour les transferts intra-groupe) au Préambule ou à la Communication d’accompagnement de cet Omnibus, sans valeur juridique contraignante, témoignent d’un manque d’engagement ferme.
Les termes flous ou non définis (e.g.: « partenariat industriel structuré transfrontalier », « charge disproportionnée », « considéré comme imminent »), combinés à l’absence de procédures claires (e.g.: modalités d’application des exemptions de licences), créent une insécurité juridique importante tant pour l’industrie que pour les autorités. Nous déplorons également le recours aux États membres pour accorder des dérogations au titre des règlements environnementaux, lesquelles nécessitent un acte national spécifique, introduisant alors un certain délai en contradiction avec l’urgence que l’Omnibus est censé traiter. De plus, si quatre règlements environnementaux ont été modifiés par cet Omnibus Défense, d’autres, comme le Règlement sur les emballages et déchets d’emballages, pourtant hautement pertinent, restent inchangés.
L’urgence actuelle exige des mesures contraignantes et concrètes – non de simples intentions.
Si certaines avancées peuvent être notées en matière de passation des marchés de défense et d’octroi de permis, DefenseWise s’est principalement concentrée sur la révision de la Directive 2009/43/CE relative aux transferts de produits liés à la défense au sein de l’UE. Les modifications sont extrêmement limitées – seuls cinq articles sont amendés, principalement autour des exemptions, des licences générales et du reporting. Plus préoccupant encore, la foire aux questions (FAQ) de la Commission demande aux co-législateurs de ne pas modifier d’autres dispositions que celles listées, tout en affirmant que l’absence d’options politiques pertinentes rendait inutile une analyse d’impact, alors même que plusieurs options existaient.
L’un des engagements phares derrière cet Omnibus était le soutien aux PMEs et aux nouveaux entrants. Pourtant, la révision des licences générales de transfert profitent essentiellement aux entités certifiées ou suffisamment grandes pour participer à des projets du Fonds Européen de la Défense. Si les PMEs travaillant avec ces entités peuvent en tirer un bénéfice indirect, cela ne répond pas à la réalité des multiples transferts en amont au sein de la chaîne d’approvisionnement défense, avant d’atteindre l’entité certifiée. La Commission aurait pu saisir cette occasion pour introduire, par exemple, une licence générale pour les transferts liés à des technologies de rupture ou à des procédés industriels innovants, souvent portés par des nouveaux entrants et des PMEs.
Plusieurs mesures ne sont en réalité qu’un reconditionnement de dispositifs existants – la possibilité pour les États membres d’émettre des licences générales additionnelles, l’exemption défense dans REACH, ou encore la clarification sous le règlement Benchmark concernant les armes controversées, existaient déjà. Elles sont désormais explicites, mais pas fondamentalement étendues. Nous nous étonnons également de l’absence totale de mesures liées à la finance durable dans les propositions de textes, alors que la FAQ de la Commission fait référence, entre autres, à un guide sur l’application des benchmarks en matière de finance durable au secteur de la défense.
Enfin, si l’objectif est de construire une chaîne d’approvisionnement de défense résiliente en Europe et de réduire la dépendance aux pays tiers, pourquoi la Communication encourage-t-elle la suspension des droits d’importation et pourquoi n’y a-t-il pas de clause « EU-First » dans le cadre des marchés publics de défense ?
DefenseWise continuera à plaider pour que cet Omnibus devienne un véritable levier de résilience industrielle et d’autonomie stratégique. Nous appelons l’ensemble des parties prenantes – industrie comme décideurs – à se mobiliser et à exiger davantage. L’Europe mérite plus que des gestes symboliques. Elle a besoin de changements audacieux et structurels pour faire face aux menaces sécuritaires croissantes.