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Article "Prendre les devants : l’impact du Règlement (UE) 2025/41 sur le secteur des armes à feu" - The Journal of Export Controls and Sanctions (DOW JONES)

Prendre les devants : l’impact du Règlement (UE) 2025/41 sur le secteur des armes à feu​

Introduction

Dans le domaine dynamique du contrôle des exportations, l’Union européenne affine continuellement ses cadres législatifs afin de répondre aux défis sécuritaires émergents, aux avancées technologiques et aux obligations découlant des traités internationaux. L’adoption récente du Règlement (UE) 2025/41 en est un parfait exemple et marque une mise à jour majeure du Règlement (UE) 258/2012.

Ce règlement met en œuvre l’article 10 du Protocole des Nations unies contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu. Il encadre essentiellement l’exportation, l’importation et le transit des armes à feu, de leurs composants et des munitions. L’objectif est de proposer une approche plus complète et réactive pour la gestion de ces biens sensibles dans un environnement mondial de plus en plus complexe.

Ces évolutions apporteront elles enfin la clarté réglementaire tant attendue, ou introduiront elles de nouveaux défis pour les entreprises du secteur ?

Jusqu’à récemment, le paysage juridique de l’UE en matière de contrôle des armes à feu était défini par le Règlement (UE) 2012/258 et la Directive (UE) 2021/555. Alors que le Règlement (UE) 2012/258 s’applique directement aux États membres de l’UE et portait sur le commerce des armes à feu, de leurs composants et des munitions avec les pays tiers, la Directive (UE) 2021/555 encadre l’acquisition et la détention d’armes au sein de l’UE via des lois nationales de transposition. Ces deux textes législatifs ont des objectifs distincts mais complémentaires – toutefois, des lacunes et chevauchements dans leurs champs d’application ont souvent provoqué une certaine confusion pour les opérateurs du marché européen impliqués dans des échanges intra-UE et extra-UE.


Le 22 janvier 2025, le Règlement (UE) 2025/41 a été publié au Journal officiel de l’Union européenne, marquant la conclusion du processus de révision du Règlement (UE) 258/2012, entamé en octobre 2022. Cette révision a pris la forme d’une refonte (« recast »), c’est-à-dire l’adoption d’un nouvel acte juridiquement contraignant unique, intégrant l’acte initial et ses modifications successives (1). Contrairement à une codification, elle introduit donc de nouveaux changements substantiels à l’acte d’origine.


L’idée derrière cette refonte était de répondre aux risques suivants tout en assurant une meilleure cohérence avec la Directive (UE) 2021/555 :

  • À l’importation, le contournement de règles peu claires permet l’entrée dans l’UE d’armes à feu et de composants « semi-finis », lesquels peuvent ensuite être utilisés pour créer des « armes fantômes » non marquées et non enregistrées. Par ailleurs, les armes d’alarme et de signal convertibles en armes à feu létales sont de plus en plus utilisées dans des activités criminelles à travers l’UE (2).
  • À l’exportation, le risque principal réside dans la diversion d’armes à feu civiles vers des pays tiers, où elles peuvent être réexportées vers des nations sous embargo ou tomber entre les mains de criminels. Ce manque de contrôle en amont et en aval de l’exportation menace la stabilité régionale aux abords de l’UE et facilite le trafic vers l’intérieur de l’Union (3).

Le présent article a pour objectif d’analyser (i) les principaux changements introduits par cette refonte et (ii) la manière dont cette refonte s’articule avec la Directive (UE) 2021/555, afin de déterminer si ces évolutions apportent la clarté réglementaire tant attendue et/ou si elles introduisent de nouveaux défis pour les entreprises du secteur.

1. Refonte du Règlement (UE) 258/2012 : une nouvelle ère pour le commerce international des armes à feu

Le Règlement (UE) 2025/41 introduit des changements significatifs, notamment l’élargissement du champ des produits réglementés, la mise en place d’un cadre réglementaire plus clair et simplifié, ainsi que la digitalisation des procédures via un système de licences électroniques. Ces évolutions visent à renforcer la traçabilité, améliorer le contrôle et accroître l’efficacité réglementaire dans l’ensemble du secteur des armes à feu.

(i) Champ d’application élargi


Alors que le Règlement (UE) 258/2012 ne mentionnait que les « armes à feu, leurs parties et composants essentiels ainsi que les munitions », le Règlement (UE) 2025/41 apporte à la fois de la clarté et un champ d’application plus large en se référant aux « biens listés », qui englobent les armes à feu, les composants essentiels, les munitions, les armes d’alarme et de signal, les armes à feu désactivées, les armes à feu semi-finies, les composants essentiels semi-finis et les modérateurs de son figurant à l’annexe I du Règlement.


Un développement notable est l’introduction des notions suivantes :

  •  « armes à feu semi-finies » : armes à feu qui ne sont pas utilisables en l’état, qui ont approximativement la forme ou le profil des armes à feu finies correspondantes et qui ne peuvent, sauf dans des cas exceptionnels, être utilisées qu’afin d’achever la fabrication de ces armes à feu finies (4) ;
  •  « parties essentielles semi-finies » : parties essentielles qui ne sont pas utilisables en l’état, qui ont approximativement la forme ou le profil des parties essentielles finies correspondantes et qui ne peuvent, sauf dans des cas exceptionnels, être utilisées qu’afin d’achever la fabrication de ces parties essentielles finies (5).

Conformément au nouveau Règlement (UE) 2025/41 et afin d’éviter la prolifération des « armes fantômes », seuls les commerçants et courtiers seront autorisés à demander une autorisation d’importation pour ces biens. Le code NC (Nomenclature Combinée) 9305 inclura désormais également ces armes à feu/composants essentiels semi-finies – il est à espérer que ce niveau de précision apparaîtra prochainement dans la formulation des bases de données douanières TARIC et similaires au niveau national.

La Commission européenne a été chargée d’adopter des actes d’exécution définissant les caractéristiques techniques des armes à feu et pièces essentielles semi-finies. À quel point ces caractéristiques techniques seront-elles précises ? La Commission européenne prendra-t-elle en compte les interprétations de cette notion par les États membres de l’UE ? Par exemple, l’Italie définit les « parties d’une arme encore à l’état semi-fini » comme « des parties d’une arme qui, pour être assemblées sur l’arme et en assurer le fonctionnement, nécessitent un usinage supplémentaire. Les traitements de surface des métaux ne sont pas considérés comme un usinage » (LEGGE 18 aprile 1975 , n. 110 - Norme integrative della disciplina vigente per il controllo delle armi, delle munizioni e degli esplosivi - Article 19).


Les États membres parviendront ils à s’accorder sur cette notion ou assistera-t-on à un échec similaire à la tentative de définition harmonisée et de lignes directrices sur le concept de « spécialement conçu », initiée en 2018 mais jamais formalisée dans le cadre de la Directive (UE) 2009/43 relative aux produits liés à la défense ?


Les préoccupations concernant les pièces semi-finies ne sont en réalité pas nouvelles : en 1998, un tribunal allemand a dû se prononcer sur l’exportation de préformes pour les écopes de centrifugeuse à gaz destinés au programme d’enrichissement d’uranium du Pakistan (7). L’accusé soutenait que, comme les préformes n’étaient pas finies (c’est-à-dire sous leur forme finale de cuillères), elles n’étaient pas couvertes par la réglementation sur le contrôle des exportations nucléaires. En rejetant les arguments de la défense, le tribunal a établi le précédent juridique selon lequel les préformes de pièces de centrifugeuse à gaz peuvent être considérées comme des biens nucléaires à usage direct figurant sur la liste de contrôle des matières nucléaires.

Le tribunal a en effet conclu que le pliage de tubes droits pour obtenir la forme finale de cuillère était relativement facile à réaliser, nécessitant seulement quelques étapes supplémentaires avant l’insertion dans une centrifugeuse. Il en a déduit que ces préformes (semi-finies) étaient soumises aux mêmes contrôles que les composants finis de centrifugeuse.

Un autre développement clé de la refonte est la référence explicite aux armes d’alarme et de signal, aux armes à feu désactivées et aux modérateurs de son :

  • Armes d’alarme et de signal : leur inclusion est nouvelle et motivée par les risques de conversion de ces armes en armes létales, comme indiqué précédemment. Il était donc nécessaire d’assurer la cohérence des pratiques des autorités douanières nationales dans la classification de ces dispositifs à l’importation.
  • Armes à feu désactivées : elles étaient déjà couvertes, dans une certaine mesure, par le Règlement (UE) 258/2012 – leur définition à l’article 2 incluait la nécessité pour les États membres de l’UE de prévoir la vérification des mesures de désactivation (certificat ou marquage attestant de cette désactivation). Cependant, l’article 3 prévoyait que le Règlement (UE) 258/2012 ne s’appliquait pas aux armes à feu désactivées. Désormais, ces armes entrent dans le champ d’application du Règlement (UE) 2025/41 et l’obligation pour ces armes d’être accompagnées d’un certificat de désactivation et d’être marquées conformément au Règlement d’exécution (UE) 2015/2403 est intégrée directement dans le règlement (8).
  • Modérateurs de son : leur inclusion dans le champ du Règlement (UE) 2025/41 n’est pas entièrement nouvelle – ils étaient auparavant couverts par la définition de « pièces » comme « tout dispositif conçu ou adapté pour diminuer le son provoqué par le tir d’une arme à feu ». La Commission européenne a également été chargée d’adopter des actes d’exécution pour définir leurs caractéristiques techniques. Cependant, alors que le Règlement (UE) 2025/41 se concentre sur les modérateurs de son, certains États membres distinguent entre « silencieux » et « modérateurs de son » – il sera intéressant de voir comment la Commission prendra en compte les interprétations nationales actuelles. Par exemple, au Portugal, les modérateurs de son sont des accessoires homologués qui, lorsqu’ils sont fixés à l’embout d’une arme à feu, réduisent le bruit du tir jusqu’à 50 dB (9).

Cette extension globale permet un contrôle réglementaire plus strict sur des objets susceptibles d’être facilement détournés à des fins illicites, reflétant les préoccupations croissantes concernant la modularité des armes modernes et la montée des assemblages d’armes « DIY » (do-it-yourself).

Au-delà de l’élargissement du champ des biens concernés, il convient de noter que la formulation du champ d’application du règlement a également évolué.

Alors que le Règlement (UE) 258/2012 excluait de son champ, entre autres, les biens « spécialement conçus pour un usage militaire et, en tout état de cause, les armes à feu de type entièrement automatique », ainsi que ceux « destinés aux forces armées, à la police ou aux autorités publiques des États membres », le Règlement (UE) 2025/41 précise désormais les exclusions en fonction de la catégorie des biens :

  • (…) « marchandises de catégorie A, à condition qu’elles figurent sur la Liste militaire commune de l’UE, exportés ou réexportés depuis le territoire douanier de l’Union (…) ;
  • marchandises de catégorie B, à condition qu’elles figurent sur la Liste militaire commune de l’UE, exportés ou réexportés depuis le territoire de l’Union et destinés aux forces armées, à la police ou aux autorités publiques ;
  • marchandises de catégories A, B et C destinés aux forces armées, à la police ou aux autorités publiques des États membres ».

Ce champ d’application redéfini soulève plusieurs questions :

● La dernière exclusion mentionnée ci-dessus ne concerne que les catégories A, B et C de l’annexe I. Qu’en est-il des autres biens listés à l’annexe I – à savoir ceux figurant dans les parties II, III et IV (par exemple, les armes à feu semi-finies, les composants essentiels semi-finies, les munitions, les modérateurs de son) ? Dans le Règlement (UE) 258/2012, les composants essentiels, les munitions et les modérateurs de son étaient inclus dans l’exclusion équivalente, à savoir « lorsqu’ils sont destinés aux forces armées, à la police ou aux autorités publiques des États membres ». Cette limitation aux catégories A, B et C est également surprenante à la lecture du considérant (9) du préambule du Règlement (UE) 2025/41, qui indique que « l’exclusion ne devrait pas s’appliquer aux biens de catégorie C envoyés vers des pays tiers, tels que (…) les composants essentiels, les munitions, (…) les composants essentiels semi-finies ou les modérateurs sonores ». Il existe donc une nouvelle zone grise concernant les biens listés à l’annexe I – parties II, III et IV, doivent ils être assimilés à la catégorie C et relever de l’exclusion relative aux transferts intra-UE destinés aux forces armées, à la police ou aux autorités publiques, ou s’agit-il d’un choix volontaire de laisser ces biens dans le champ du Règlement (UE) 2025/41.

● Et pourquoi ces biens sont-ils hors champ uniquement dans le contexte de l’exportation/réexportation depuis l’UE et non dans le cadre de l’importation et du transit – qui sont pourtant également couverts par le Règlement (UE) 2025/41 ?

(ii) Efforts de restructuration, de clarification et d’exhaustivité


Il est clair que le Règlement (UE) 258/2012 se concentrait principalement sur les flux commerciaux à l’exportation, comme l’indique son titre. Le Règlement (UE) 2025/41 élève désormais l’importance de l’importation et du transit, les plaçant au même niveau que l’exportation. Le Règlement (UE) 2025/41 adopte une approche plus complète, incluant désormais des définitions pour des termes tels que « importation », « entrée » et « sortie », afin d’englober tous les flux commerciaux, et pas seulement « exportation », « réexportation » et « transit ».

De plus, alors que le Règlement (UE) 258/2012 créait de la confusion en regroupant dans un seul texte les règles relatives aux autorisations d’exportation, aux procédures, aux contrôles, aux mesures d’importation et aux mesures de transit, la structure du Règlement (UE) 2025/41 a été réorganisée pour apporter de la clarté et séparer les règles selon le type de flux commerciaux :

  • Chapitre II – Exigences relatives à l’entrée et à l’importation
  • Chapitre III – Exigences relatives à l’exportation, à la réexportation et à la sortie
  • Chapitre IV – Supervision et contrôles

Par ailleurs, alors que le Règlement (UE) 258/2012 ne prévoyait qu’un modèle pour les formulaires d’autorisation d’exportation, le Règlement (UE) 2025/41 fournit également un modèle pour les autorisations d’importation ainsi que des précisions sur ce qui est attendu dans une déclaration d’utilisateur, ce qui constitue, espérons-le, une nouvelle étape vers une harmonisation accrue entre les États membres de l’UE.

Enfin, le Règlement (UE) 2025/41 apporte des clarifications sur les aspects douaniers en :

  • Se référant aux définitions du Code des douanes de l’UE (Règlement (UE) 952/2013) pour tous les termes douaniers tels que « marchandises de l’Union », « formalités douanières », « importation », « exportation », « réexportation » et « perfectionnement actif » ;
  • Précisant les dérogations aux formalités douanières de l’Union applicables aux biens listés ;
  • Introduisant un système de licences électroniques qui s’intégrera aux systèmes douaniers plus larges de l’UE, garantissant des transactions plus fluides et transparentes. Cette intégration devrait être achevée d’ici le 12 février 2031.

 (iii) Renforcement des procédures, des contrôles et des mécanismes de sanction


Le cadre procédural pour les autorisations est devenu significativement plus détaillé et exigeant :


  • Système de licences électroniques : Les autorisations d’importation et d’exportation doivent désormais être traitées via un système électronique centralisé, favorisant une meilleure traçabilité et interconnexion entre les États membres. Ce système sera opérationnel d’ici le 12 février 2027.
  • Types d’autorisation : Le nouveau règlement introduit des autorisations générales de l’Union en complément des autorisations nationales, spécifiquement accessibles aux opérateurs économiques agréés pour la sécurité et la sûreté.
  • Délais et procédures simplifiées : Des délais clairs ont été définis pour le traitement des demandes (par exemple, 90 jours ouvrables pour les autorisations d’importation, pouvant être étendus à 110 jours pour les biens de catégorie A), tandis que les procédures simplifiées bénéficient de délais de traitement plus courts (20 jours ouvrables, pouvant être étendus à 40 jours en cas de justification).
  • Frais : Les États membres peuvent appliquer des frais pour couvrir les coûts administratifs liés au traitement des demandes d’autorisation.


En comparaison, le Règlement (UE) 258/2012 fournissait moins de détails, se concentrant essentiellement sur les exigences de base pour les autorisations d’exportation.


Une évolution majeure concerne le renforcement des contrôles à l’importation :


  • Exigences de marquage : Les armes à feu et composants doivent respecter à la fois la Directive (UE) 2021/555 et les normes de marquage du Protocole des Nations unies sur les armes à feu au moment de l’importation. Cependant, les commerçants disposent d’un délai de grâce pour se conformer à ces exigences après la mise en libre circulation.
  • Normes de désactivation et de non-convertibilité : Les importateurs doivent s’assurer que les armes à feu désactivées sont accompagnées des certificats appropriés et que les armes d’alarme ou de signal respectent les critères de non-convertibilité afin de prévenir toute modification illicite.


Alors que le Règlement (UE) 258/2012 mettait déjà l’accent sur la nécessité de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, le Règlement 2025/41 renforce l’application en étendant explicitement les protections de la Directive (UE) 2019/1937 aux personnes signalant des manquements à la conformité des importations/exportations d’armes à feu, garantissant ainsi un environnement de signalement plus sûr pour les lanceurs d’alerte.


En conclusion, cette refonte représente un progrès majeur dans l’engagement de l’UE à contrôler le commerce des armes à feu et des composants associés. En élargissant son champ d’application, en renforçant les exigences procédurales, les contrôles et les mécanismes de sanction, le nouveau règlement comble les lacunes du Règlement 258/2012 et anticipe les défis futurs dans un environnement de plus en plus complexe. Cependant, il crée également des incertitudes importantes : pourquoi certains biens – (i) munitions, modérateurs de son et pièces essentielles (semi-finies), ainsi que les (ii) flux d’importation et de transit – ne sont pas inclus dans les exclusions relatives aux forces armées, à la police ou aux autorités publiques ? 

2. Combler le fossé avec la Directive 2021/555 ?

Alors que le préambule du Règlement (UE) 2025/41 précise qu’il poursuit des objectifs différents de la Directive 2021/555, des efforts d’alignement dans la formulation du règlement sont clairement visibles. Des termes tels que « arme à feu », « composant essentiel », « munition », « commerçant » ou « courtier » sont désormais définis en se référant aux définitions de la Directive 2021/555.


Un autre effort d’alignement à saluer est le fait que l’Annexe I – Partie I se réfère désormais à la classification des armes à feu figurant dans l’annexe I de la Directive 2021/555. Le Règlement va même plus loin en ajoutant les Parties II, III et IV de l’Annexe I afin d’y inclure également les munitions, les composants essentiels (semi-finis), les armes à feu semi-finies, les armes d’alarme et de signal non convertibles, ainsi que les modérateurs de son. Comme expliqué précédemment, cette refonte de l’annexe a créé certaines incertitudes quant à l’application des différentes exclusions liées aux forces armées, à la police et aux autorités publiques.


Les exigences de marquage prévues par la Directive 2021/555 sont désormais clairement intégrées dans le Règlement 2025/41, ce qui le rend d’autant plus contraignant, la directive n’ayant pas encore été transposée par tous les États membres alors que le règlement est directement applicable.


Pour autant, certaines lacunes subsistent :


  • Tenue de registres et traçabilité : Les deux textes exigent une tenue complète des registres, la Directive 2021/555 prévoyant une conservation de 30 ans, tandis que le Règlement 2025/41 impose une durée de 20 ans pour les registres d’importation/exportation. Cette divergence pourrait compliquer la conformité pour les entreprises opérant sous les deux régimes.
  • Intégration numérique : Le Règlement 2025/41 encourage l’intégration avec le guichet unique douanier de l’UE, alors que la Directive 2021/555 impose uniquement des systèmes informatisés nationaux, sans interconnexion au niveau européen. Cette fragmentation freine le partage fluide des données transfrontalières.


Du point de vue des opérateurs économiques, plusieurs faiblesses apparaissent :


  • Systèmes numériques fragmentés : L’absence d’une interface numérique unifiée pour les transactions intra-UE et extra-UE complique la conformité, obligeant importateurs et exportateurs à naviguer entre différents systèmes nationaux et régionaux. Si le Règlement 2025/41 introduit des autorisations électroniques d’exportation, la Directive 2021/555 n’impose pas de processus numérique similaire pour les transferts intra-UE, ce qui engendre des charges administratives supplémentaires.
  • Structures de sanctions incohérentes : Les deux textes renvoient la détermination des sanctions aux États membres, ce qui entraîne une application inégale et un possible arbitrage réglementaire, les opérateurs pouvant déporter leurs opérations vers des juridictions moins strictes.


En conclusion, bien que le Règlement 2025/41 et la Directive 2021/555 créent ensemble un cadre robuste pour le contrôle des armes à feu au sein et en dehors de l’UE, leur articulation actuelle laisse place à des améliorations. En clarifiant les exclusions prévues par le Règlement 2025/41, en harmonisant les systèmes numériques, en standardisant les sanctions et en alignant les exigences procédurales, l’UE pourrait offrir un environnement plus cohérent et favorable aux opérateurs, conciliant sécurité et bon fonctionnement du marché intérieur. Pour les importateurs et exportateurs, de telles réformes réduiraient les charges administratives et renforceraient la confiance dans la conformité aux règles de commerce transfrontalier.

3. Actions à entreprendre par l’industrie

Avec l’entrée en vigueur du Règlement 2025/41, les opérateurs du marché de l’armement civil – en particulier les importateurs, exportateurs et fabricants – doivent s’adapter de manière proactive au nouveau cadre réglementaire afin d’assurer la conformité et la continuité des opérations.


Les actions clés suivantes doivent être entreprises :

1. Réviser et mettre à jour les programmes de conformité

  • Réaliser une analyse approfondie du fossé entre les politiques et procédures internes actuelles et les nouvelles exigences du Règlement 2025/41 ;
  • Veiller à ce que les responsables conformité, les équipes juridiques et les managers opérationnels soient pleinement informés de l’élargissement du champ des produits réglementés (armes à feu semi-finies, composants essentiels semi-finis, armes d’alarme et de signal, etc.) ;
  • Mettre en œuvre des lignes directrices internes de conformité alignées à la fois sur le Règlement (UE) 2025/41 et la Directive 2021/555 afin d’éviter toute incohérence dans la tenue des registres, le marquage et les processus d’autorisation.

2. Adapter les procédures d’importation et d’exportation

  • S’assurer que seuls les commerçants et courtiers agréés s'occupent des importations d’armes à feu/pièces essentielles semi-finies, comme requis par la refonte ;
  • Établir des procédures liées à l’importation pour garantir le respect des normes de marquage et de désactivation.

3. Transition vers le système de licences électroniques


  • Se préparer à l’utilisation obligatoire du système électronique centralisé pour les autorisations d’importation et d’exportation ;
  • Investir dans l’infrastructure informatique et la formation afin d’assurer une transition fluide vers les processus d’autorisation numériques ;
  • Suivre les mises à jour relatives au guichet unique douanier de l’UE.


4. Renforcer la tenue de registres et les mesures de traçabilité


  • Mettre à jour les politiques de tenue de registres pour se conformer à l’exigence de 20 ans pour les données d’import/export et 30 ans pour les transactions intra-UE selon la Directive 2021/555 ;
  • Veiller à ce que tous les registres incluent les nouvelles informations obligatoires telles que les déclarations d’utilisateur pour les exportations, les informations sur les licences d’importation et la vérification des marquages des armes à feu ;
  • Utiliser des systèmes numériques de tenue de registres pour rester en conformité avec les deux textes et faciliter l’échange de données avec les autorités.


5. Évaluer l’impact sur la classification des produits


  • Passer en revue le portefeuille de produits afin de déterminer quels articles nouvellement inclus (par exemple, composants semi-finis) sont désormais soumis à des mesures de contrôle et d’autorisation ;
  • Collaborer avec les autorités nationales pour clarifier les ambiguïtés de classification, notamment concernant l’Annexe I et la catégorisation A/B/C des biens ;
  • Travailler avec les fournisseurs et fabricants pour assurer une documentation et un marquage corrects pour tous les produits concernés ;
  • Suivre les mises à jour concernant les critères techniques des armes à feu/composants essentiels semi-finis et des modérateurs de son.


6. Réévaluer les stratégies commerciales et les chaînes d’approvisionnement


  • Évaluer l’impact des contrôles à l’importation plus stricts sur les stratégies d’approvisionnement et adapter les accords de chaîne d’approvisionnement en conséquence ;
  • Collaborer avec des spécialistes du contrôle des exportations et des courtiers en douane pour optimiser la conformité et réduire les charges administratives.


7. Collaborer avec les autorités européennes et nationales


  • Maintenir une communication active avec les autorités nationales compétentes en matière de licences et de douane afin de rester informé des clarifications réglementaires et des lignes directrices de mise en œuvre ;
  • Participer aux consultations et actions de lobby sectorielles pour garantir une interprétation cohérente des nouvelles règles entre les États membres ;
  • Rechercher des informations sur les structures de frais nationaux pour les autorisations, celles-ci pouvant varier d’un pays de l’UE à l’autre.


Conclusion

En adoptant ces mesures proactives, l’industrie de l’armement civil peut assurer une transition en douceur vers le nouveau cadre réglementaire, maintenir la conformité et minimiser les perturbations du commerce.


En conclusion, la refonte du Règlement (UE) 258/2012 en Règlement (UE) 2025/41 représente un changement significatif dans l’approche de l’UE en matière de contrôle du commerce des armes à feu. En élargissant le champ des biens réglementés, en clarifiant les définitions clés et en renforçant les mécanismes de supervision, cette refonte vise à combler les lacunes qui ont longtemps représenté des risques pour la sécurité. L’introduction d’un système de licences électroniques et de contrôles d’importation/exportation plus stricts témoigne de l’engagement de l’UE envers des pratiques commerciales harmonisées et traçables.


Cependant, malgré les efforts louables pour aligner le règlement avec la Directive 2021/555, des incohérences subsistent, notamment concernant les biens hors champ du Règlement 2025/41, les exigences de tenue de registres et l’intégration numérique. Ces lacunes peuvent engendrer des difficultés pratiques pour les entreprises opérant sous les deux régimes, soulignant la nécessité d’une coordination renforcée au niveau européen.


Pour les acteurs de l’industrie, s’adapter à ces changements réglementaires nécessitera une approche proactive, incluant la mise à jour des programmes de conformité, le perfectionnement des mécanismes internes de suivi et la vigilance quant aux futurs actes d’exécution de la Commission européenne. Les prochaines années seront déterminantes pour évaluer si cette refonte réglementaire atteint ses objectifs ou si des ajustements supplémentaires seront nécessaires.


Crédit : Charlotte Villatte, Co-fondatrice & Manager chez DefenseWise SRL - Publication : WorldECR Journal of Export Control and Sanctions (DOW JONES) - Issue 141

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