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Article "Le cadre réglementaire de l'UE sur les biens à double usage : un succès grandissant ou une chute imminente ?" - Export Compliance Manager (DOW JONES)

Le cadre réglementaire de l'UE sur les biens à double usage : un succès grandissant ou une chute imminente ?

Il y a quelques années, le Règlement (CE) n° 428/2009, qui établissait un cadre commun pour le contrôle des exportations, des transferts, du courtage et du transit des biens à double usage, a été révisé sous la forme du Règlement (UE) 2021/821. L’objectif était d'améliorer la clarté, l’efficacité et l’efficience du dispositif. Près de quatre ans plus tard, le premier rapport annuel de la Commission européenne sur sa mise en œuvre soulève une question centrale : cette refonte est-elle un succès, et sa trajectoire reste-t-elle pertinente à l'heure actuelle ?

Contexte

Le rapport couvre les années 2022-2023, une période fortement marquée par la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine et par la montée des tensions au Moyen-Orient. Ces événements géopolitiques ont mis à rude épreuve le système de contrôle des exportations de biens à double usage, testant sa capacité d’adaptation et d’application.

Succès notables

Le rapport souligne plusieurs avancées, notamment en matière de modernisation du cadre européen de contrôle des biens à double usage :

  • Souplesse accrue du cadre réglementaire :
    La refonte a renforcé la capacité du cadre réglementaire à rester pertinent et à éviter l’obsolescence, notamment grâce à :
    • la création d’un groupe d’experts dédié aux technologies émergentes, comme les technologies quantiques,
    • la publication de lignes directrices spécifiques aux biens de cybersurveillance,
    • la mise à jour régulière de la liste des biens soumis à contrôle, incluant de nouvelles entrées dans les domaines de l’électronique, des semi-conducteurs et de l’informatique.
  • Sensibilisation accrue et influence mondiale renforcée :
    • Augmentation du commerce autorisé de biens à double usage (57,3 milliards EUR en 2022 contre 38,5 milliards en 2021) et des refus de licences (813 refus en 2022 contre 568 en 2021),
    • Sensibilisation accrue en dehors de l’UE : réunions du Conseil du commerce et des technologies UE–États-Unis, dialogues UE–Norvège et UE–Chine, possible extension de l’outil e-Licensing à la Moldavie, à la Bosnie-Herzégovine et à la Serbie.
  • Digitalisation :
    • Poursuite du développement du système électronique (Dual-Use e-System) pour améliorer le partage d’informations sur les refus de licence et la mise en œuvre des sanctions liées à la Russie,
    • Interconnexion avec les systèmes douaniers nationaux via l’environnement “guichet unique douanier” pour faciliter les échanges commerciaux.

Défis et risques à venir

Malgré les progrès, plusieurs obstacles menacent l’efficacité du Règlement (UE) 2021/821 :

  • Tensions géopolitiques :
    Le rapport indique que la Chine et les États-Unis figurent parmi les principales destinations des exportations individuelles autorisées et des autorisations globales. Dès lors, comment le cadre évoluera-t-il face au tournant récent de la politique commerciale américaine sous Trump et aux multiples barrières commerciales imposées récemment sur les biens à double usage par les États-Unis et la Chine ?
  • Pratiques nationales divergentes :
    Le règlement permet aux États membres :
    • d’étendre les contrôles au courtage et au transit,
    • d’appliquer des contrôles aux transferts intra-UE sur des biens non listés.
    Le rapport souligne également que les États membres peuvent introduire des listes nationales de contrôle, que d’autres États membres peuvent utiliser comme base pour imposer des exigences d’autorisation sans adopter leurs propres listes. Ces possibilités tendent à accroître la fragmentation du cadre plutôt qu’à en favoriser l’harmonisation.
  • Système de licences sous-utilisé :
    Le rapport mentionne que le système e-Licensing est opérationnel en Lettonie et en Roumanie, et en cours de préparation pour l’Italie, la Slovénie et la Wallonie, tandis que la Hongrie et la Région de Bruxelles-Capitale ont exprimé leur intérêt. Mais qu’en est-il du reste de l’UE ? La lente adoption de ce système soulève des doutes sur l’uniformité et l’efficacité du système.

Conclusion

Bien que la modernisation du régime de l’UE sur les biens à double usage ait permis des améliorations notables, les tensions géopolitiques actuelles, la mise en œuvre fragmentée et les défis liés à l’application de ce régime continuent de poser des risques importants pour l’efficacité du Règlement (UE) 2021/821. Les prochaines années seront déterminantes: permettront elles d’asseoir une meilleure efficacité du contrôle, ou bien les divergences réglementaires et pressions extérieures en affaibliront elles l’impact ?

Crédit : Charlotte Villatte, Co-fondatrice & Manager chez DefenseWise SRL - Publication : Export Compliance Manager (DOW JONES) - Issue 51

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